religion que moi, et tu te faisais une idée bien plus grande de l’amour.
Ahasvérus.
Tu verras que tes autres doutes se dissiperont
aussi avec le temps.
Rachel.
Il y a une chose à laquelle je ne m’accoutumerai
jamais, c’est de penser à ta mort.
Ahasvérus.
Chasse cette idée, ma chérie.
Rachel.
Mourir avec toi, ici, à la même heure, je le
comprends ; mais toi, mourir seul, ah ! Peux-tu
le concevoir ?
Ahasvérus.
Si tu cesses de m’aimer, voilà la mort dès cette
heure ; jusque-là, dans un de tes regards, il y
aura toujours pour moi une éternité de vie.
Rachel.
Cette idée me revient sans cesse, et fait mon
tourment ; au moins, dis-moi, ne crois-tu pas
que tu ressusciteras, et que nous nous reverrons
pour jamais dans le paradis ?
Ahasvérus.
Qui peut jurer, mon âme, que la mort ne refroidira
pas son sein après mille ans, et qu’il n’aura
qu’à essuyer la terre de ses yeux pour revoir,
à ses côtés, l’image qu’il adorait ! Qui peut
jurer qu’un si long rêve n’engourdira pas sa
langue, et que des fantômes ne l’amuseront pas
dans la tombe, après le moment du réveil ? Vie,
mort, néant, qui en sait la différence ? Et
sans le battement de nos cœurs, qui répondrait
à l’univers, quand il demande tout haletant :
quelle heure est-il ? Hier, sans toi, c’était
la mort, aujourd’hui, c’est la vie ; dans un
souffle de ton sein respirent des siècles de
siècles ; dans une larme de tes