donne-m’en des nouvelles. Est-il bien vrai que je ne le reverrai jamais ?
Ahasvérus.
Ne sens-tu donc pas cette eau froide que je verse
sur tes tempes ? L’air du soir rafraîchit ton
haleine ; ne le reconnais-tu pas ? Si tu
m’aimes, de grâce, ne promène pas tes yeux
égarés comme tu fais, autour de toi ;
arrête-les sur les miens ; encore, encore.
Rachel.
Mes pieds ne veulent plus me porter.
Ahasvérus.
Essaye de marcher, mon amour, toute seule
jusqu’à moi. (il lui tend les bras et recule
à mesure qu’elle avance.) Encore un pas,
encore un pas.
Rachel.
Oui, à présent c’est toi. Ta main, ah ! Qu’elle
est brûlante ! Mais tout à l’heure, qui était
ici ? L’as-tu vu ? écoute, je veux te raconter
un songe.
Mob entr’ouvre la porte avec un éclat de rire ; elle n’est vêtue que d’un pan de manteau qui
laisse voir son squelette.
Vous, monseigneur, à cette heure, dans la chambre
de cet ange ! à merveille ! Mille pardons de vous
importuner. C’est votre faute si vous me voyez
cette fois en déshabillé.
Ahasvérus.
Quoi ! Mort affreuse, ricaneuse, que j’ai tant
cherchée, c’est toi. Insecte, nain, colosse !
Boiteuse, ailée, rampante, aux pas muets, c’est
toi ! Laisse-moi voir à mon aise comme te
voilà faite.