t’en conjure. Je lui dirai tout à lui, il ne m’aimera plus ; oh ! Non ; c’est sûr. Mais va-t’en donc, toi, esprit des morts ! Va, prends tes ailes noires de serpent. Que me veux-tu ? Je ne suis pas morte ; oh ! Non ; le cœur seulement me fait mal, et la tête aussi, là : mais je vis encore, regarde.
Ahasvérus.
Ma chère vie, ne m’effraye pas plus longtemps.
Ne m’entends-tu pas ?
Rachel, en éclatant de rire.
Oui, je t’entends, va. Ferme la fenêtre. Oh !
Nous, nous sommes heureux, n’est-ce pas ? Bien
heureux, autant que Berthe ? Tu ne me quitteras
plus jamais, puisque nous sommes mariés ; jamais,
entends-tu ? Nous ne sortirons plus de cette
chambre. (après un moment de réflexion.)
Mon dieu ! Tu contrefais la voix du ciel. Une
fois, sais-tu ? J’ai vécu dans le ciel ; mais
aujourd’hui le ciel est loin, et l’enfer est
près. Tes yeux brillent, mais c’est de la
flamme des damnés. Tu as beau faire, tu ne me
tromperas pas. Lui, ses cheveux se bouclaient
sous mes doigts, et les tiens se hérissent sous
une couronne de ténèbres. Tu dis les mêmes
choses que lui ; mais sa voix était douce, et
la tienne ressemble aux ricanements des esprits
dans la nuit. Si tu es le roi des démons, au
nom du père, du fils et du saint-esprit,
quitte-moi.
Ahasvérus.
Que faire, si tu ne me connais plus ? J’ai cherché
le ciel, et j’ai trouvé l’enfer.
Rachel.
Qu’as-tu dit de l’enfer ? Y sommes-nous déjà ?
Ah ! Oui, c’est ici ; là où on étouffe. Et lui,
mon fiancé, où est-il ? Est-il parmi les
vivants ? Est-il mort aussi ? Dis-le-moi ;