Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/264

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Vienne, ou bien est-ce un maître de Rouen ? Non pas, non pas. C’est le diable qui l’a vendu à l’ouvrier pour le prix de son âme ; monte donc, ma tourelle, échevelée, habillée en pleureuse, glisse-toi, roule-toi dans le nuage comme une âme qui frappe de son aile de soie à la voûte du ciel, sans pouvoir l’entr’ouvrir.


Ma tête, ah ! Ma tête a percé le nuage d’automne.

Elle a percé le plus haut des nuages. Pourquoi les arbres ne veulent-ils pas monter plus haut que les fougères ? Pourquoi les éperviers ne veulent-ils pas monter plus haut que ma ceinture ? C’est que l’aile des éperviers est lasse ; c’est que l’oeil des éperviers se trouble. Déjà mes tours ont le vertige. Comment feront-elles pour redescendre leurs degrés ?


Voyez ! Mes petites chapelles noires se couchent autour de moi comme des génisses noires au pied de la montagne. Ne craignez rien, mes petites chapelles. Des trèfles et des ceps de pierre croissent dans mon vallon ; le faucheur ne les fauchera pas, le vigneron ne les arrachera pas dans ma vigne. Des troncs et des branches de sapin germent sur mes sommets. Le bûcheron ne coupera pas de sapin dans ma forêt ; la bûcheronne n’abattra ni troncs ni branches sur mes coteaux.

Des rois et des papes trônent dans mes vallées ; ils ont pour château une niche ciselée par un bon ouvrier. Si la pluie en tombant les découronne goutte à goutte, après mille ans, ils ont sur leur tête un dais de rochers festonné en trois jours par l’aiguille d’une fée. Le rayon du soleil les salue dès qu’il luit ; l’épervier fait son nid sur leurs diadèmes ;