Mais le Christ n’a rien à nous donner. Il n’a ni
pain, ni vin, ni panetier, ni échanson, ni
écuyer courtois. Regardez ! Sa table est vide
et creuse. Il n’y tient qu’un convive à la
fois. Sa coupe n’est jamais pleine que des
gouttes de pluie qui suintent des dalles, une
à une, tous les ans.
L’Empereur Charlemagne.
Arthus, parlez bas. Si vous faites un pas de plus
sur mes dalles, avec vos éperons résonnants,
ma barbe blanche qui reluit, ma bulle impériale,
mon pourpoint d’écarlate, mes douze pairs à
mes côtés, mon cœur d’aigle des Alpes, mon
sceptre à fleurs de lis coupé dans une futaie
de Roncevaux, s’en vont choir en poussière
sur un pan de votre manteau royal ; et vous
direz en secouant à terre le pan de votre
manteau terni : mes gendres, où donc est
Charlemagne ? Par où est-il passé, sans
hérauts ni pages, notre empereur, qui tenait
tout à l’heure son globe dans sa main, comme
un faucon qui dort ? (en se mêlant à la
ronde.) Christ ! Christ ! Puisque vous
m’avez trompé, rendez-moi mes cent monastères
cachés dans les Ardennes ; rendez-moi mes cloches
dorées, baptisées de mon nom, mes châsses et
mes chapelles, mes bannières filées par le
rouet de Berthe, mes ciboires de vermeil, et
mes peuples agenouillés de Roncevaux jusqu’à
la forêt Noire.
La Cathédrale.
Dans la vallée ombreuse qui mène en Italie, je
connais une grotte plus cachée que tes cent
monastères ; je connais sur les monts un pic
plus haut que tes clochers ; les nuages, en été,
flottent mieux que tes bannières filées par
le rouet de Berthe ; la rosée est plus
fraîche sur une marguerite de Linange que
dans tes ciboires de vermeil, et les flots
de l’océan sont mieux courbés vers terre que
tes peuples de Roncevaux jusqu’à la forêt Noire.
Chœur des Femmes.