Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/291

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montait, montait, sans le savoir, jusqu’où les étoiles ne vont pas. Comme d’autres, sans se lasser, nuit et jour, filent le coton ou la soie sur leur seuil, elle, dans sa maison, en faisant toutes choses, pour sa tâche, sans le vouloir, laissait tomber, du plus loin de son âme, la laine et la soie de ses pensées trempées de larmes de quoi vêtir un monde. à la ville et dans la fête, au premier souffle, son cœur, sans effort, s’en allait, dans le ciel, comme une barque à la voile latine, au premier vent, sans bruit, ni rameurs, ni adieux, quitte la côte et le môle, et les lourds vaisseaux du port, et les rues des marchands, pour aller toute seule rêver et se baigner dans le grand océan. Puis après, elle disait que le bruit de la terre ne vaut pas un soupir, et que rien ne peut dire jusqu’au bout ce qu’une âme voudrait dire. Et moi, je croyais à son Dieu ; et je restais muet, et je baissais les yeux ; et je ne pensais pas redescendre jamais de ce poëme vivant au vil ouvrage que ma main à regret fait à cette heure.



C’en est fait. Il n’y a point eu d’adieu, il n’y aura point de retour. Pourquoi écrire ? Pourquoi parler ? Pourquoi se taire ? Pourquoi toucher des mots qui n’ont plus que l’aiguillon ? Celle qui m’apprenait le ciel ne conduira pas ma plume, et ne me reprendra pas à l’endroit de ma faute.

Tout est fini. Il n’y a plus ici de poésie, il n’y a plus de poëte ; il n’y a plus que la corde qui vibre encore à l’arc de la calomnie.

Pour qui regarde et passe, la plaie se cicatrise ; mais le ver, pour se cacher, rampe chaque jour plus avant. Chaque soir, il dit : encore un pas ; et le fruit de votre vie tombe de votre branche, par un beau jour d’été, à l’heure où l’on croit qu’il mûrit. Voilà ce qui fait ma peine, et