Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/292

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comment j’ai appris quelle chose dure c’est de pleurer les larmes que tu vois. Je n’en puis dire davantage.



Le Chœur.

Malgré toi, ta peine m’a fait pencher la tête vers terre, et m’a tiré un de ces pleurs amers.

Si celle qui en eut sa part, au temps des cruels soupirs, l’a oublié, je ne te le demanderai pas, ni comment cette fleur d’azur a pu naître dans l’impur sillon de nos jours. Mais tes lèvres se sont trop vite fermées ; plutôt que de mourir vivant, comme toi, j’aurais voulu pétrir mon sang et ma douleur dans un poëme ; et les étoiles en me voyant, et le bruit de l’eau, le bruit des hommes, le bruit des cloches, le ciel changeant, tout aurait murmuré le soir autour de moi, pour assoupir mon cœur, comme une femme, à demi-voix, endort son enfant sur la route.



Le Poète.

Oui, si ma plume était d’un oiseau du ciel qui n’a jamais niché sur terre, si mon encre était d’or, si mon livre était de parchemin ! Alors, peut-être, oui, sans parler, je voudrais, encore à présent, écrire le nom de toutes les choses que j’aime, pour faire durer leur vie jusqu’à ce soir. Pays de Bourgogne, qui m’as donné, au lieu de ton vin, mes larmes à boire sous ton pressoir, je gorgerais ta cuve, jusqu’au bord, des grappes de Chypre et de Candie, si bien que tu crierais à la fin : j’en ai assez. Petite ville de Charles Le Téméraire, où ma sœur demeure, et qui m’as coupé mon pain sur la table quand j’étais enfant, sise sur tes deux rivières, proche de Cluny et de celui qui fit si bien parler Elvire ; toi qui te caches des passants et des bergers dans ton creux de vallon, toute honteuse de te voir si hâlée par le temps sous ta vieille potern