Luc.
Et mon jardin d’olivier où je descendais chaque
matin pour prier ?
Le Lion.
Je n’ai plus reconnu le chemin de la Judée.
Toutes les villes étaient désertes. Le vent
du soir arrachait leurs portes sur les gonds,
et je les entendais qui chantaient : " puisque
nos habitants ne reviendront plus de la fête,
qu’avons-nous à faire de nos lourdes murailles ?
Puisque Dieu est mort dans le ciel, et que les
saints ont fait ses funérailles, qu’avons-nous
à faire de nos clochers de basiliques, et de nos
nefs sur nos têtes ? Puisqu’il n’y a plus dans
nos rues à voir passer ni rois, ni fiancés
d’amour, jetons bas nos terrasses et nos
balcons. " à chaque mot qu’elles chantaient,
une pierre tombait. En ricanant, les villes
d’Orient s’asseyaient sur la terre humide.
Sur un flot tout bourbeux, j’ai vu passer
Venise dans sa noire gondole, à demi submergée ;
ce n’était plus Venise qui me donnait son
drapeau à porter en descendant l’escalier de
son palais ducal. C’était Venise morte, sur
son coussin de soie, qu’un gondolier menait
à Josaphat à travers la tempête. Des buffles
démuselés broutaient leur herbe sur la tombe
de Rome, et des cavales sauvages fouillaient,
avec leurs pieds, la terre : holà ! Nos cavaliers,
où êtes-vous ? Venez peigner nos longs cheveux
qui tombent sur nos fronts comme des joncs
des marécages du Tibre amassés sur le flot
qui les a arrachés de ses bords. Mais ce qui
fit ma plus dure peine, le voici : à Saint-Paul,
hors les murs, sur le chemin qui va à la
Maremme, la grande église était rompue.
çà et là, sa colonne était couchée ; elle
avait pris son fût pour chevet, ne voulant
plus se relever. Serpents de masures, couleuvres,
vipères, venaient lécher le ciboire, et
emportaient avec leurs aiguillons, pour leurs
petits, la