qu’ils
pleuraient roulaient la terre de leurs
linceuls dans le creux de leurs yeux. Sur leurs
pieds de squelettes, ils étendaient leurs
manteaux que le ver achevait de ronger. Leurs
cheveux avaient continué de croître dans leurs
tombes, et les couvraient à demi. Quand je
passais, leurs langues, engourdies par le
sable, disaient en balbutiant : " si j’avais
les ailes d’airain de cet aigle qui passe, si
j’avais ses serres et son bec de diamant, je
quitterais pour jamais la glèbe de mon champ
et la porte d’osier de ma cabane. Sur la cime
du ciel, je m’en irais pour ne plus voir le
dur sillon où j’ai mêlé ma sueur avec l’eau
de ma cruche. Mais mes bras sont fatigués, j’ai
déjà peine à tendre la main sur le chemin
du seigneur pour mendier, jour à jour comme
une obole, ma vie nouvelle. "
sur le sommet du monde étaient assis, tout
pleurants, trois enfants qui criaient : nous n’avons
plus ni père, ni mère ; prenez-nous sous vos ailes.
De loin, je dis au premier : qui es-tu ? Et lui
sans se relever et sans essuyer ses joues :
" qui je suis ? Il s’en souvient peut-être,
celui qui m’a si souvent réveillé dans la nuit
sur mon chevet, qu’à cette heure j’ai encore
sommeil et que mes yeux ne peuvent plus se
rouvrir. Je suis Louis Capet. J’ai pleuré
bien des larmes, je suis né sur un trône et
mort dans une dure prison. Mes mains, qui
devaient nouer sur ma tête ma couronne, ont
noué plus d’une fois aux passants les cordons
de leurs souliers. Comme mon maître dans son
échoppe, l’éternité m’a dit trop tôt dans mon
tombeau : Louis Capet, dors-tu ? Moi je
veille. Et à présent je pleure, parce que mon
père et ma mère sont déjà à demi ressuscités,
et qu’il leur manque à tous deux encore la
tête sur les épaules. " et je dis au second :
qui es-tu ? Et lui : " j’étais, quand je vivais,
Henri de France, neveu de cent rois, prince de
Navarre, héritier de Sicile
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