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Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/345

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Ahasvérus, à genoux, pendant que Rachel le baptise avec ses larmes.


Encore des larmes ! Les tiennes sont trop tièdes.

Pleure donc sur mon cœur ; là ; oui, là ; c’est là que j’ai soif.



Rachel, en elle-même.

Et moi, c’est là aussi, sans le vouloir, que tu me fais mourir pour ne plus jamais ressusciter.



On entend dans l’éloignement Mob qui poursuit les morts sortis de terre.



Mob.

Ressusciter ! La chose est usée et le mot aussi.

Qui vient là de le redire si bas ? L’écho, je crois. Les morts l’ont entendu ; les morts le répètent. Là ils vont, là ils viennent ; là ils passent, là ils courent. Mais surtout ils bâillent et chuchotent : j’ai encore sommeil.

Courage, bravo ! Dressez-vous sur vos membres, messeigneurs, comme si mon cheval ne vous avait pas foulés aussi bien que le vigneron fait son vin dans sa cuve. Courage, maudits ! Germez dans mon sillon, comme si je ne vous avais pas moissonnés avec ma faucille et battus dans mon aire. Sans rire, rois et reines, remettez sur votre chef votre couronne que j’avais emportée sous mon toit. à mon trousseau pendait et carillonnait la clef des tombeaux et des caveaux ; qui me l’a prise pour ouvrir la serrure ? J’avais moi-même couché sous sa dalle chaque homme en lui sifflant mon air pour l’endormir ; qui est venu les éveiller à ma porte ? çà, maudit troupeau, entends-tu