Ma cornemuse ? Retourne dans mon enclos avant que le maître te voie. Que ferais-je à présent pour remplir toutes mes tombes vides, si, par hasard, il les heurtait du pied, en passant ? Ahasvérus, à Rachel. entends ce berger.
Rachel.
Ce n’est pas un berger ; c’est Mob qui poursuit
les morts avec son fouet. La voilà qui descend
par notre sentier.
Mob, à Ahasvérus.
Toi encore ici, Ahasvérus ! Toujours errant ! Je te
croyais assoupi sous quelque tombe. Veux-tu
aujourd’hui que je te fasse ton lit, comme à un
roi sculpté dans la pierre ? Je te donnerai,
si tu le veux, le mausolée d’un empereur ou le
caveau d’un doge en beau marbre de Candie. Si
tu le veux, j’entasserai pour toi, en un seul
tombeau, tous les tombeaux que les rois m’ont
laissés. Ils monteront plus haut que la plus
haute colline. Tu dormiras à ton aise sur leur
penchant.
Ahasvérus.
De sommeil, je n’en ai plus.
Mob.
Et qui te l’a ôté ?
Ahasvérus.
L’espérance.
Mob.
Bah ! C’est le mot que je donne aux morts à presser
entre leurs lèvres, avec leur poussière, pour
les amuser ; mot doucereux et vide, et qui n’est
fait que pour eux : laisse-leur ce jouet.
Qu’espères-tu ?
Ahasvérus.
Une autre vie.