Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/366

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Condamnez-la ! Maudissez-la ! C’est elle qui nous a menés les mains liées derrière le dos, pour nous donner dans son cirque à ses lions d’Abyssinie.

C’est elle qui nous a fait cette froide blessure à la poitrine avec l’épée de son gladiateur.



Les Vautours, au sommet de la vallée.

Pardonnez-lui ! Bénissez-la ! C’est elle qui a engraissé nos petits chaque matin, sur sa table, des restes de ses champs de bataille.



Rome.

Ne les croyez pas, seigneur ; je labourais tranquillement mon champ sur ma colline. Appuyée sur le front de mes bœufs, je regardais mon blé pousser et mûrir mes raisins sur ma treille, quand tous vos peuples, échappés de vos mains, comme des chevaux sauvages qui ont brisé leur enclos, passèrent près de moi, dispersés au hasard par le monde, en ruant contre votre fouet.

Chacun montait par un sentier différent ; chacun suivait l’aiguillon d’un autre dieu que vous. L’orient avait rompu son anneau ; la Grèce, échevelée, s’en allait en criant dans son île : le dieu Pan est mort cette nuit.

Alors je pris sur mon sillon mon épée dans ma main, comme un berger d’Albano prend son bâton noueux pour ramener ses buffles dans le chemin de mes marais. Dans l’Asie, dans l’Afrique, et là où le Rhin se retourne dans son lit, j’allai chercher leur troupeau. Jusque dans l’enclos de mes murailles, je poussai leur foule, devant moi, hennissante, furieuse.

Pendant trois siècles, je muselai à mon aise leur colère ; et, quand mon cirque les enferma tous, assis par terre sur leur séant, qui n’avaient plus que leurs larmes, et qui criaient avec des voix d’enfants : merci, merci ! J’allai