notre tour pour voir venir de plus loin le
messager du dernier jugement. Si un bouleau
tremblait dans notre cour, si la visière d’un
casque se baissait, si Ahasvérus frappait à
notre porte nous pensions en nous-mêmes :
voilà le messager qui vient avec ses souliers
de fer ; il faut partir. Nos pâles années ont
germé à l’ombre de nos vitraux, sans que nous
ayons pensé à nous baisser pour en cueillir
le fruit. Sous le monde réel, nous avons
cherché en tâtonnant votre esprit invisible,
comme au défaut de la cuirasse on fouille avec
sa lance le cœur chaud d’un chevalier. Nous
n’avions fait, seigneur, sur nos fenêtres, nos
colonnettes si frêles, que pour durer jusqu’au
soir. Aujourd’hui, Babylone a les débris de
ses terrasses ; Rome a les degrés de son cirque
pour s’y asseoir ; Athènes a son banc de marbre
sur sa porte. Mais moi, mes degrés sont
vermoulus ; mes tours, mes tourelles, et mes
cellules fragiles, sont cachées sous les ronces.
Que vais-je devenir ? Pauvre âme nue que la
foi vêtissait, peuple d’esprits sans corps,
foule sans ville et sans murailles, qui n’ai
songé à me faire d’autre abri que mon cœur
contre la nuit et la tempête de votre éternité.
Le Père éternel.
Les songes de vos cœurs qui vous couvrent de
leurs ailes valent mieux que les terrasses en
briques de Babylone et que le cirque de Rome.
Entrez dans ma ville. Tous vos rêves y sont
bâtis en pierres de diamant. Enluminez de vos
âmes diaphanes, que j’ai pétries de vermillon
et d’or, les vitraux de mon porche ; et, si le
vent du matin frappe jamais vos paupières
retentissantes, remplissez la ville et les
carrefours de soupirs et de mystères, comme
du murmure d’un monde qui n’est plus et qui
redemande la vie. Voyez ! Je vous ai fait votre
demeure dans ce carrefour de l’empyrée, là-haut
où mes étoiles du soir amassées l’une