Voilà le mot que je sais le mieux, et amour
celui qui me plaît le plus, et infini celui
qui me fait tant soupirer.
Seule je chante, seule je m’écoute, seule je
descends jusqu’au fond dans mon puits d’harmonie.
Dans les cieux lointains, personne ne me
comprend, personne ne me répond, personne ne
m’aime. Ah ! Que mon âme est triste ! Je suis
poëte et je n’ai point de paroles. Je n’ai que
mes sanglots. Et à présent, archet d’or,
laisse-moi ; c’est aux clairons à résonner.
Les Clairons.
Sur vos âmes vibrantes, sur vos murmures, sur vos
soupirs filés d’argent luisant, j’étendrai,
comme un manteau de prince, mes chants d’or
et de pourpre. Mieux que le cheval, je hennis.
Ma voix resplendit mieux qu’un glaive au soleil.
Dans la bataille, j’ai résonné. Sur les lèvres
du héraut d’armes j’ai publié, dans les tournois,
les volontés des rois et des reines. Tout
maintenant, je publie, sur les lèvres des
anges, des cieux nouveaux.
L’Orgue.
Beaux clairons d’or, taisez-vous. J’ai gonflé
d’air mes poumons. C’est à mon tour de chanter.
Ouragans, grêles, tempêtes sont amassés dans
mon outre de géant. C’est moi qui fais le
tonnerre. Tout ce qui résonne sous la voûte
du ciel, forêts qui grondent, nations qui
tombent, villes qui bourdonnent, noms qui
retentissent, sort de mes mille tuyaux divins.
Je suis la voix qui parle et qui crie dans les
royaumes et dans les ruines. Quand je lève
ma touche de diamant, un peuple se lève et
retentit ; quand je la laisse retomber, lui
retombe et se tait. Et la plainte des empires,
en croulant l’un après l’autre, est le chant
dont je m’amuse avec mes notes mugissantes,
dans mon buffet d’or.