A cette heure, voici un mot que je ne puis pas
dire. Ma voix n’est pas encore assez mêlée
d’encens. La lyre le saura mieux que moi.
La Lyre.
Avenir ! Avenir ! Avenir ! Est-ce le mot ailé qui
manque à vos mille tuyaux ? Seulement l’haleine
du matin, en me touchant, le fait résonner. De
lui-même, sans archet, il vibre. Pour l’écouter,
les cieux s’arrêtent. Comme une fleur, ils
ouvrent leur calice pour recevoir sa rosée.
Pendues à la voûte, mes trois cordes sont aussi
grandes que le monde. Sous le doigt de mon
joueur de lyre, qui va, qui vient, qui jamais
ne se lasse, la première, toute filée des
cheveux des étoiles, est la voix de l’univers.
La seconde, toute d’or, est la voix d’un
empire. La troisième, que j’aime le mieux,
la plus petite, la plus douce, toujours tiède
de soupirs, est la voix d’une jeune fille
virginale comme moi ; et le mot qu’elles
savent toutes ensemble sans se tromper s’appelle
harmonie.
Vous qui passez par ce carrefour de l’infini,
arrêtez-vous ; faites cercle autour de moi.
Quoique vieille, ma mélodie est toujours
nouvelle. Celui qui l’a faite est le maître
à qui j’appartiens. Sous ses doigts durcis,
depuis mille siècles je l’ai apprise pour
faire tourner et balancer autour de lui la
ronde des étoiles, et des mondes, et des cieux,
et des peuples, et des heures qui se donnent
la main. Encore, encore ! Que la ronde
recommence ! Que les soleils tournent plus
vite ! Que la valse des sphères avec leurs
satellites passe, repasse, tourbillonne,
jusqu’au vertige, si bien qu’elles disent en
chancelant : nos