sans savoir où, avant
de s’engouffrer dans mon puits de
colère. Vous vous en souvenez. Quand
l’épervier d’Allemagne ou de Judée se levait,
dès le matin, au-dessus des bruyères, tout
oiseau dans les champs, tout oiseau dans
les villes, allait cacher sa tête sous un brin
de ramée, et retenait sa voix. Voyez si tous
ces mondes qui poudroient dans l’abîme, ne
voudraient pas se blottir sous un sillon de
chaume, sous l’herbe d’une source, ou sous le
manteau d’un homme, tant que je tiens sur leurs
nichées mes ailes étendues dans un cercle
éternel ? Le silence est profond. Entendez-vous,
du haut de l’empirée, ce soleil qui bourdonne
si loin que la nouvelle ne lui est point
encore venue, et l’hosannah des chérubins
qui tombe d’un monde sur l’autre, plus
monotone que la goutte de pluie dans le lac
d’une grotte ? C’est assez de repos ; encore
cent ans, ce serait trop. Si l’univers est las
de sa première journée en le touchant de l’aile,
mon ange Gabriel, vous irez réveiller l’ouvrier
dans ma vigne. Je vous l’ai dit : la terre
était mauvaise, j’en vais demain créer une
autre. Je ferai, cette fois, l’homme d’une
argile meilleure ; je le pétrirai mieux.
Les arbres auront plus d’ombre, les monts
seront plus hauts. Ni votre chape, saint
Hubert, ni votre lance, ni votre écu tout
azuré, ni votre mitre de diamants ne brilleront
autant que la lumière de demain, sur une
mer d’or. Les jours seront plus longs, et
votre expérience sauvera mieux ce monde
de toute tentation que n’ont pu faire
anciennement ni chérubins ni séraphins,
en sortant tout candides du berceau du
néant. Mais, quel que soit l’état où s’en
aille tomber jamais le monde qui va naître,
pour vous mieux préparer à le tenir en votre
garde, je veux qu’on vous retrace ici, en
figures éternelles, le bien, le mal, et tous
les gestes et le sort accompli de cet univers
où vous avez vécu. Je veux qu’on vous dévoile
le secret
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