Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/98

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J’ai fait pendant ma longue nuit un mauvais rêve sur mon chevet, comme si j’avais oublié un dieu dans mon grand temple.



Le Sphinx.

N’y pensez plus, à votre dieu ; n’avez-vous pas fait un toit à l’éternité qui porte le firmament dans ses bras, comme une femme son enfant.



Thèbes.

Oui, un toit de granit. Je lui ai taillé, pour s’habiller, un pagne dans le roc ; pour s’asseoir, un beau banc de marbre noir.



Le Sphinx.

C’est assez. Il n’est point venu depuis longtemps d’autres dieux.



Thèbes.

Quelle nouvelle y a-t-il ?



Le Sphinx.

Votre dattier qui verdoie, votre chameau qui rumine, votre épervier qui glapit, et votre désert qui a soif.



Thèbes.

En es-tu sûr ?



Le Sphinx.

Je ne quitte pas votre seuil. Allez, dormez encore mille ans.



Thèbes.

Les mille ans du sphinx sont passés ; ma paupière de granit est pesante à soulever, mon lit est dur. Toujours je rêve d’éperviers au corps d’homme, de hiboux qui portent