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de barbe. Les bras sont sous le drap ; l’un semble posé assez bas sur le corps d’une femme brune dont on aperçoit la sombre chevelure sur l’oreiller voisin. Oui ! C’est bien une femme. Les cheveux sont coupés, mais les « guiches » ne laissent pas de doute. D’ailleurs Teddy n’a pas de mœurs suspectes.

Sur les chaises, en désordre, vêtements divers dont le fameux et neuf complet gris de la Belle Jardinière.

La femme remue tout à coup et dit :

— Merde ! C’qu’il ronfle, le cochon !

Puis elle remue encore, s’éveille et secoue notre homme vivement en criant :

— Dis donc, l’Américain ! T’a pas fini de ronfler comme une toupie de Bochie. J’peux pas roupiller.

Il ouvre ses yeux qui sont bleus comme des myosotis, dirait un poète ; comme mon jupon, dit Léa, plus pro­saïque. Car c’est Léa, la brune voisine, tour à tour grue et femme de chambre, suivant les nécessités de l’existence.

— Aoh ! Bonjour, petite Léa.

Il la baise sur la bouche et tente un rapprochement vite réprimé par la femme qui dit :

— Laisse-moi ! D’abord j’suis fatiguée d’puis hier soir. Ça doit t’suffire. Et puis, mon vieux ! C’que tu pousses du goulot l’matin.

Comme on juge, les expressions de Léa laissent à dési­rer. Mais elles charment Teddy qui insiste vers un but qu’on finit par lui laisser atteindre sans aucune réaction au début. Pourtant, à la fin, il y a un peu plus d’animation. C’est que Léa songe à un petit chapeau dont elle a bien envie. Alors, elle y va de tout son « chiqué ».

Elle préfère à Teddy un valet qu’elle sait rejoindre chaque jour, mais elle est coquette. Alors elle se sacrifie. Teddy est content. Elle aura le chapeau.

— Toc ! Toc ! Toc ! On frappe.

— Qui est là ? glapit Léa.