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AIM

aiment comme s’ils devaient haïr un jour ; ils haïssent comme s’ils devaient un jour aimer. » Cependant Cicéron ne peut croire que la première partie de cette sentence appartienne à un homme aussi sage que Bias : la seconde, en effet, est seule digne de lui. Il est probable, comme le remarque M. Jos-Vict-Leclerc, que le philosophe de Priène s’était contenté de dire : Haïssez comme si vous deviez aimer, et qu’on a ajouté le reste pour former antithèse et pour appuyer une fausse maxime d’une grande autorité. Quoi qu’il en soit, cette maxime n’en est pas moins passée en proverbe, par une espèce de fatalité qui, trop souvent, fait retenir ce qui est mal et oublier ce qui est bien. Mais ce n’a pas été pourtant sans une forte opposition. Tous les auteurs qui ont écrit sur l’amitié se sont attachés à la combattre. Les deux meilleures réfutations qu’on en ait faites sont ce mot de César, J’aime mieux périr une fois que de me défier toujours, et ces vers de Gaillard que La Harpe a cités dans son Cours de Littérature :

Ah ! périsse à jamais ce mot affreux d’un sage,
Ce mot, l’effroi du cœur et l’effroi de l’amour :
« Songez que votre ami peut vous trahir un jour ! »
Qu’il me trahisse, hélas ! sans que mon cœur l’offense,
Sans qu’une douloureuse et coupable prudence,
Dans l’obscur avenir, cherche un crime douteux.
S’il cesse un jour d’aimer, qu’il sera malheureux !
S’il trahit nos secrets, je dois encor le plaindre.
Mon amitié fut pure et je n’ai rien à craindre.
Qu’il montre à tous les yeux les secrets de mon cœur ;
Ces secrets sont l’amour, l’amitié, la douleur,
La douleur de le voir, infidèle et parjure,
Oublier ses serments comme moi son injure.

Vivre avec nos ennemis, dit La Bruyère, comme s’ils devaient être un jour nos amis, et vivre avec nos amis comme s’ils pouvaient devenir nos ennemis, n’est ni selon la nature de la haine, ni selon les règles de l’amitié. Ce n’est point une maxime de morale, mais de politique.

Qui m’aime, me suive.

Philippe vi de Valois était à peine sur le trône de France qu’il fut engagé à la guerre contre les Flamands. Comme son