aliboron. — Maître Aliboron ou Aliborum.
Ignorant qui fait l’entendu et qui se croit propre à tout. Antoine de Arena a dit dans son poëme macaronique intitulé Modus de choreando bene :
Mestrus Aliborus omnia scire putans.
Ce mot est plus ancien que ne l’a cru Court de Gébelin qui en a attribué le premier emploi à Rabelais ; car l’auteur de la Passion à personnages s’en était servi antérieurement dans ce vers injurieux que le satellite Gadifer adresse au Sauveur (feuillet 207 de l’édition in-4o gothique) :
Sire roy, maistre Aliborum.
Pour en expliquer l’origine on a fait beaucoup de conjectures, dont la plus ingénieuse est celle du savant Huet évêque d’Avranches. D’après lui, ce terme, né au barreau, fut originairement un sobriquet donné à un avocat qui, plaidant en latin, selon l’ancien usage, et voulant détourner les juges d’admettre les alibi allégués par sa partie adverse, s’était écrié sottement : Non habenda est ratio istorum aliborum, comme si alibi eût été déclinable.
Le docte Le Duchat a imaginé une espèce de généalogie d’Aliboron, qu’il fait descendre d’Albert-le-Grand. Cet Albert, réputé alchimiste et magicien, est, dit-il, le prototype d’Albéron, Auberon ou Obéron, roi de féerie, dont le pouvoir opère des merveilles dans le roman de Huon de Bordeaux ; et d’Aibéron est venu Aliboron, qui, l’on doit l’avouer, ne fait pas grand honneur à ses ancêtres.
Sarazin et La Fontaine ont vu tout simplement un âne dans Aliboron. Le premier a dit dans le Testament du Goulu :
Ma sotane est pour maistre aliboron,
Car ta sotane a sot âne appartient.
Et le second, dans la treizième fable du deuxième livre, Les Voleurs et l’Âne :
Arrive un troisième larron
Qui saisit maître aliboron.