Page:Réflexions sur la révolution de France.pdf/104

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est arrivé ne pouvait me paraître étonnant ; parmi eux, à la vérité, j’ai vu quelques personnes d’un rang distingué, quelques-unes d’un talent brillant ; mais on n’aurait pu y trouver un homme qui eût la moindre expérience pratique des affaires publiques. Les meilleurs étaient des hommes de théorie. Mais quelque distingués que fassent quelques-uns d’entre eux, c’est la substance et la masse d’un Corps qui constitue son caractère, et qui détermine, à la fin, sa direction. Dans tous les Corps, ceux qui veulent conduire sont, en même temps, en grande partie, soumis à se laisser conduire eux-mêmes[1]. Il faut qu’ils conforment leurs propositions au goût, aux talens et à la disposition de ceux qu’ils ont le dessein de diriger. C’est pourquoi, si une assemblée est vicieusement on faiblement composée dans sa plus grande partie, il n’y a qu’un éminent degré de vertu, tel qu’on en voit peu dans le monde, et sur lequel par conséquent il ne faut jamais compter, qui puisse empêcher les hommes de talent qui y sont clairsemés de n’être que les instrumens habiles de projets absurdes. Si, comme cela arrive le plus souvent, an-

  1. Ici, l’expérience vient encore confirmer la théorie. Que devinrent les meneurs de l’Assemblée qui succéda à la Constituante ? Ils furent entraînés, et à la fin supplantés par des gens qui, à leur tour, devinrent les meneurs de la Convention. Mais que devinrent eux-mêmes ces nouveaux meneurs ? La Gironde tomba devant la Montagne, et la Montagne, à la fin, s’écroula devans une nouvelle puissance qui s’écroula de même, jusqu’au moment où un despote assembla un Corps Législatif muet et un Sénat vendu ; ce qui était la même chose que s’il n’y eût point eu de Corps Législatif ni de Sénat, et qu’il eût gouverné seul.(Note de l’Éditeur.)