Page:Réglemens sur les arts et métiers de Paris, rédigés au 13 siècle, et connus sous le nom du Livre des métiers d'Étienne Boileau.djvu/32

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INTRODUCTION.

chure du fleuve, sans hanse et sans compagnie françoise, il étoit censé avoir enfreint les droits et privilèges, ou, ce qui revenoit absolument au même, les us et coutumes des marchands de l’eau de Paris ; on saisissoit la cargaison de son bateau, et le prévôt des marchands, séant avec les échevins au Parloir-aux-Bourgeois auprès du Chàtelet, ne manquoit jamais de la déclarer forfaite, c’est-à-dire confisquée au profit du Roi et de la marchandise de l’eau[1].

Tant que la Normandie avoit ses ducs et ses intérêts particuliers, le système de la hanse parisienne trouvoit sinon sa justification, au moins son excuse dans l’état d’hostilité où se mettoit souvent la Normandie à l’égard de la France sa suzeraine ; mais on ne se relâcha en rien de la rigueur de ce système, après que la Normandie eut été réunie à la France : on força, comme par le passé, les marchands venant avec des cargaisons de la Basse-Seine, de s’arrêter à Mantes, et d’y prendre compagnie françoise lorsqu’ils vouloient débarquer leur cargaison dans la banlieue de Paris ou l’expédier pour la Bourgogne ou la Champagne.

On voit ce que cette obligation imposée aux marchands du dehors de faire participer ceux de Paris aux profits de leurs expéditions dans la Seine, avoit d’avantageux pour les Parisiens. Elle les mettoit à même de retenir les denrées et marchandises qui leur convenoient, et leur donnoit des gains sans nécessiter aucune avance de fonds. Un auteur moderne, qui le premier a débrouillé un peu l’histoire de la hanse de Paris, sans toutefois l’envisager sous un rapport philosophique, dit que c’étoit un des plus excellens priviléges de cette ville[2]. Privilége aussi beau, en effet, que celui des tribus arabes mettant à contribution les caravanes qui veulent traverser le désert sans être pillées, ou que celui du Danemark forçant les navires qui franchissent le Sund à relâcher à Elseneur, et à payer un droit de passage. L’histoire du moyen âge cite une foule de ces prétendus privilèges créés par

  1. Voyez, pag. 449 et suiv., les jugemens prononcés par le prévôt.
  2. Leroi, Dissertation sur l’origine de l’Hôtel-de-Ville de Paris, part. II, §. 4, à la tête du tom. I de l’Histoire de la Ville de Paris par Félibien et Lobineau. La dissertation de Leroi est appuyée sur un grand nombre de pièces justificatives, dont une partie étoit alors aux archives de la ville, et qui se trouvent maintenant aux Archives du Royaume, où j’ai eu occasion de les consulter.