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Page:Régnier - Œuvres, éd. Lacour, 1867.djvu/65

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Où j’ai par tant de nuicts mon travail occupé.
Mais quoy ? je te pardonne, et si tu m’as trompé,
La honte en soit au siècle, où vivant d’âge en âge
Mon exemple rendra quelqu’autre esprit plus sage.
Mais pour moy, mon amy, je suis fort mal payé
D’avoir suivy cet art. Si j’eusse estudié,
Jeune, laborieux sur un banc à l’escole,
Galien, Hipocrate, ou Jason ou Bartole,
Une cornette au col debout dans un parquet,
A tort et à travers je vendrois mon caquet ;
Ou bien tastant le poulx, le ventre et la poitrine,
J’aurais un beau teston pour juger d’une urine ;
Et me prenant au nez, loûcher dans un bassin,
Des ragousts qu’un malade offre à son médecin ;
En dire mon advis, former une ordonnance,
D’un réchape s’il peut, puis d’une révérence,
Contre-faire l’honneste, et quand viendroit au point,
Dire, en serrant la main, dame il n’en falloit point.
Il est vray que le ciel, qui me regarda naistre,
S’est de mon jugement tousjours rendu le maistre ;
Et bien que, jeune enfant, mon pere me tansast,
Et de verges souvent mes chansons menassast,
Me disant de despit, et bouffy de colere :
Badin, quitte ces vers, et que penses-tu faire ?
La muse est inutile ; et si ton oncle a sceu
S’avancer par cet art, tu t’y verras deceu.
Un mesme astre toujours n’esclaire en ceste terre ;
Mars tout ardent de feu nous menace de guerre,