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Page:Régnier - Œuvres complètes, éd. Viollet le Duc, 1853.djvu/108

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SATYRE IV.

Qui nous honore après que nous sommes souz terre ^ : Et de te voir paré de trois brins de lierre ^ : Comme s’il importoit, estans ombres là bas, Que nostre nom vescust ou qu’il ne vescust pas. Honneur bors de saison, inutile mérite, Qui vivants nous trahit, et qui morts ne profite, Sans soin de l’avenir je te laisse le bien Qui vient à contre-poil alors qu’on ne sent rien ; Puis que vivant icy de nous on ne fait conte, Et que nostre vertu engendre notre honte. Doncq’par d’autres moyens à la cour familiers, Par vice, ou par vertu, acquérons des lauriers ; Puis qu’en ce monde icy on n’en fait différence, Et que souvent par l’un, l’autre a sa récompense. Aprenons à mentir, mais d’une autre façon Que ne fait Calliope, ombrageant sa chanson Du voile d’une fable, afin que son mystère Ne soit ouvert à tous, ny cognu du vulgaire. Apprenons à mentir, nos propos desguiser, A trahir nos amis, nos ennemis baiser, Faire la cour aux grands, et dans leurs antichambres, Le chapeau dans la main, nous tenir sur nos membres, Sans oser ny cracher, ny toussir, ny s’asseoir. Et nous couchant au jour, leur donner le bon-soir. Car puis que la fortune aveuglément dispose De tout, peut estre en fin aurons nous quelque chose Qui pourra destourner l’ingratte adversité, Par un bien incertain à tastons débité :

  • Qui nous honore après que nous sommes souz terre :

Cineri gloria sera venît.

Martial, !.

La couronne de lierre étoit donnée aux poètes. Prima feres bederaB victricis praemia. Horace, liv. I.