Comme ces courtisans qui s’en faisant accroire ,
N’ont point d’autre vertu sinon de dire , voire®.
Or laissons doncq’ la muse , Apollon , et ses vers ,
Laissons le luth , la lyre , et ces outils divers ,
Dont Apollon nous flatte : ingratte frénésie !
Puis que pauvre et quaymande ^ on voit la poésie ,
Où j’ai par tant de nuicts mon travail occupé.
Mais quoy ? je te pardonne, et si tu m’as trompé ,
La honte en soit au siècle , où ^dvant d’âge en âge
Mon exemple rendra quelqu’autre esprit plus sage.
Mais pour moy, mon amy, je suis fort mal payé ,
D’avoir suivy cet art. Si j’eusse estudié^,
Jeune , laborieux sur un banc à l’escole ,
Galien , Hipocrate , ou Jason , ou Bartole ,
Une cornette au coP debout dans un parquet,
A tort et à travers je vendrois mon caquet ^^ :
Ou bien tastant le poulx , le ventre et la poitrine ,
J’aurois un beau teston ** pour juger d’une urine ;
^ Voire y vraiment. Expression d’approbation, d’admiration.
’ Quaymande,,»’] Édition de 1608, quémande» On écrit catmande, de caimander, formé du latin mendicare , par transposition de lettres : mendier,
® Si f eusse estudié,] Hémistiche de Villon. ^ On a appelé cornette le chaperon que les docteurs et les avocats portoient autrefois sur leur tête ; dans la suite on le mit autour du cou , comme le dit notre auteur, et maintenant on le porte sur l’épaule. Ce mot de cornette lui est venu de ce que ses extrémités formoient deux petites cornes.
- ® Je vendrois mon caquet,]
Hic clamosi rabiosa fori
Jurgia vendens. Senec.
- ^ Teston , ancienne monnoie de France qu’on a commencé
à fabriquer sous le règne de Louis XII , et qui fut abolie en 1676 , par Henri III. Elle valoit environ quinze sous, et étoit