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SATYRE I.

Faisant voir clairement par ses faits triomphants,
Que les roys et les dieux ne sont jamais enfants.
Si bien que s’eslevant sous ta grandeur prospere,
Génereux héritier d’un si génereux pere,
Comblant[1] les bons d’amour, et les méchans d’effroy,
Il se rend au berceau desia digne de toy[2].
Mais c’est mal contenter mon humeur frénétique,
Passer de la satyre en un panégyrique[3],
Où molement disert, souz un sujet si grand,
Dès le premier essay mon courage se rend.
Aussi plus grand qu’Ænée, et plus vaillant qu’Achille,
Tu surpasses l’esprit d’Homère et de Virgile,
Qui leurs vers à ton los[4] ne peuvent esgaler,
Bien que maistres passez en l’art de bien parler.
Et quand j’esgallerois ma muse à ton merite,
Toute extrême louange est pour toy trop petite :
Ne pouvant le finy joindre l’infinité ;
Et c’est aux mieux disants une témerité
De parler où le ciel discourt par tes oracles,
Et ne se taire pas où parlent tes miracles ;

  1. On comble d’amour, de biens, mais non d’effroi. Combler ne s’emploie aujourd’hui que favorablement.
  2. Il se rend au berceau desja digne de toy.]
    Tene ferunt geminos pressisse tenaciter angues,
    Cum tener in cunis jam Jove dignus eras ?
    Ovid. in Deianirâ.
    ....... Manibus suis Tyrinthius angues
    Pressit, et in cunis jam Jove dignus erat.
    Idem.

    Dès que le Dauphin fut né, Henri IV mit son épée à la main du jeune prince, pour le service de l’église, dit-il, et pour le bien de l’état.

  3. Ce vers fait connoître que l’auteur avoit déjà composé des satires avant ce discours.
  4. Los, louange, éloge : du latin laus.