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A MONSIEUR LE COMTE DE CARAMAIN[1].

SATYRE II.


Comte, de qui l’esprit pénètre l’univers[2],
Soigneux de ma fortune et facile à mes vers ;
Cher soucy de la muse, et sa gloire future,
Dont l’aimable génie et la douce nature
Fait voir, inaccessible aux efforts médisans,
Que vertu n’est pas morte en tous les courtisans :
Bien que foible et débile, et que mal reconnuë,
Son habit décousu la montre à demy nuë ;
Qu’elle ait seche la chair, le corps amenuisé,
Et serve à contre-cœurs le vice auctorisé,
Le vice qui pompeux tout mérite repousse,

  1. Ou plutôt le comte de Cramail, nom qui, selon Ménage, se dit par corruption, pour Carmain, changé en Cramail dans l’édition de 1642, et dans toutes celles qui l’ont suivie. On lit Caramain dans les éditions précédentes, à remonter jusqu’à la première, de 1608, où il y a Caramain.

    Adrien de Montluc, comte de Cramail, fut l’un des beaux esprits de la cour de Louis XIII. Il étoit né l’an 1568, de Fabien de Montluc, fils du fameux maréchal Blaise de Montluc, et mourut en 1646. On lui attribue la comédie des Proverbes, pièce singulière, et l’une des plus comiques de son temps, ainsi qu’un livre rempli de quolibets, intitulé les Jeux de l’inconnu.

  2. Comte, de qui l’esprit…] Les douze premiers vers contiennent une apostrophe imparfaite dont le sens n’est point fini.