Page:Régnier - Œuvres complètes, éd. Viollet le Duc, 1853.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ses gregues[1] aux genoux, au coude son pourpoint,
Qui soit de pauvre mine, et qui soit mal en point,
Sans demander son nom on le peut reconnoistre ;
Car si ce n’est un poëte[2], au moins il le veut estre.
Pour moy, si mon habit, par tout cicatrisé,
Ne me rendoit du peuple et des grands mesprisé,
Je prendrois patience, et parmy la misere
Je trouverois du goust ; mais ce qui doit desplaire
A l’homme de courage et d’esprit relevé,
C’est qu’un chacun le fuit ainsi qu’un réprouvé.
Car, en quelque façon, les malheurs sont propices.
Puis les gueux en gueusant trouvent maintes délices,
Un repos qui s’esgaye en quelque oysiveté.
Mais je ne puis patir[3] de me voir rejetté.

  1. Les grègues étoient une espèce de haut-de-chausses ou de culottes. Le pourpoint étoit une sorte de vêtement à manches, et que notre habit a remplacé.
  2. Regnier fait toujours ce mot poëte de deux syllabes, quoiqu’il en ait trois, suivant son étymologie, ποιητὴς, poëta, et suivant l’usage. Dans la première édition, de 1608, ce même mot est partout imprimé avec une diphtongue, en cette manière : pœte. Notre auteur n’a fait ce mot de trois syllabes que dans un seul endroit, qui est le vers 49 de la satire xii. L’usage de faire poëte et poëme de deux syllabes s’est conservé long-temps après Régnier :
    Tout vient dans ce grand poëme admirablement bien
    dit Th. Corneille.
    Comme un poëte fameux il se fait regarder.
    P. Corneille.

    Quintilien, Instit, orat., lib. i, cap. 5, cite un vers de Varron où ce poëte avoit aussi resserré deux syllabes en une
    dans le mot Phaéton, qui en a trois :
    Cum te flagranti dejectum fulmine Phæton.

  3. Pâtir est hors d’usage dans le sens de ce vers ; on dit à présent souffrir, mot qu’on a substitué à l’autre dans l’édition de 1642 et dans les suivantes.