Page:Régnier - Œuvres complètes, éd. Viollet le Duc, 1853.djvu/86

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Les adjuge au mérite, et non point au hazard.
Puis l’on voit de son œil, l’on juge de sa teste,
Et chacun en son dire a droict en sa requeste :
Car l’amour de soy-mesme et nostre affection
Adjouste avec usure à la perfection.
Tousiours le fond du sac ne vient en évidence,
Et bien souvent l’effet contredit l’apparence.
De Socrate à ce point l’oracle est my-party[1] ;
Et ne sçait-on au vray qui des deux a menty ;
Et si philosophant le jeune Alcibiade[2],
Comme son chevalier, en receut l’accolade.

  1. Ce vers a beaucoup varié. Dans la première édition on lit : De Socrate à ce point l’arrest est my-party. Dans celles de 1612 et 1613, faites pendant la vie de l’auteur, et dans les éditions suivantes, il y a l’oracle au lieu de l’arrest. Dans celle de 1642, et les autres qui ont été faites après, on a mis : De Socrate en ce point, etc. L’expression de ce vers et des trois suivants est embarrassée. Oracle ou arrest, que portoit la première version, ne signifie peut-être en cet endroit que opinion publique, qui, en effet, est double sur le compte de Socrate, sa liaison avec Alcibiade ayant été l’objet de soupçons que Cicéron lui-même a tournés en plaisanterie : Quid ? Socratem nonne legimus quemadmodum notarit Zopyrus ?..... addidit etiam mulierosum : in quo Alcibiades cachinnum dicitur sustulisse. Cic. de Fato.
    Boileau, satire xii, s’est emparé de la pensée de Regnier, qu’il a rendue avec son élégance accoutumée.
    Et Socrate, l’honneur de la profane Grèce,
    Qu’étoit-il, en effet, de près examiné,
    Qu’un mortel par lui-même au seul mal entraîné,
    Et, malgré la vertu dont il faisoit parade,
    Très équivoque ami du jeune Alcibiade ?
  2. Ce vers est encore amphibologique ; on ne sait si Regnier a voulu dire : Et si Socrate philosophant le jeune Alcibiade, pour enseignant la philosophie au jeune Alcibiade ; ou, par une inversion forcée : Et si le jeune Alcibiade philosophant. Ce dernier sens a paru plus convenable à quelques éditeurs, qui, depuis 1642, ont mis une virgule après le mot philosophant. Nous croyons devoir rétablir le premier texte, dans la crainte