Page:Régnier - Escales en Méditerranée.djvu/107

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Monument de Lysicrate ce ne seront plus seulement des syllabes que je prononcerai.




Avant de quitter Athènes, je suis retourné au Théâtre de Dionysos. Les marbres y conservent encore des parties de sculpture. Le soleil les chauffait de son ardeur. Toute la masse brûlante et rude de l’Acropole pesait sur le silence du lieu qui était plein de voix muettes. De grandes ombres tragiques passaient, invisibles et présentes, dans l’éclatante lumière, et ma solitude s’en sentait comme environnée. Alceste et Iphigénie s’y tenaient par la main, Antigone y conjurait les fureurs fraternelles. Le vieil Œdipe y frappait la dalle sans écho, de son bâton. Oreste aux mains sanglantes détournait la tête, de son crime, Clytemnestre y levait la hache sur le front de l’époux royal, Cassandre déchirait ses vêtements. Les larges ailes du vautour de Prométhée battaient l’air immobile. Le divin Dionysos, père de la Tragédie, versait à Melpomène le breuvage inspirateur qu’elle buvait dans une des coupes du trésor des Atrides, une des coupes qu’on a trouvées à Mycènes dans le tombeau des rois d’Argos dont le visage funéraire qui se conserve empreint aux mas-