Page:Régnier - Escales en Méditerranée.djvu/113

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éclaire durement sa large face aux pommettes saillantes, au nez écrasé ; il hausse vers nous, à bout de bras, un grand poisson dont les écailles argentées luisent et dont la queue est encore agitée de soubresauts. Autour de la barque la mer est d’un bleu profond et comme solide. Le geste de ce pêcheur barbu et chevelu, à vague tête de Christ, a je ne sais quoi d’évangélique. Ce pêcheur, en effet, est un moine. Nous sommes ancrés en face du couvent russe de Roussikon, un des couvents orthodoxes du mont Athos, qui dresse dans le ciel ses pentes boisées, sa haute masse monacale.

Le Supérieur du couvent nous a invités à visiter son monastère. Ses vastes bâtiments s’élèvent au bord du rivage, au pied de la montagne. Ils sont peinturlurés de couleurs vives, de rouge, de vert, surmontés de coupoles bulbeuses que domine l’or des croix trapues. Quand nous abordons, les moines font la haie et les cloches sonnent. Ils sont tous barbus et chevelus, ces moines russes. Il y en a de vieux, de très vieux et aussi de jeunes, de très jeunes. Au passage, quelques-uns de ces visages se distinguent par des expressions de mysticité, par des regards où il y a de l’extase, de la foi, de l’ascétisme. Chez certains cette mysticité a quelque chose d’équivoque que je