Page:Régnier - Escales en Méditerranée.djvu/190

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cheur guerrière le château de mer des Chevaliers surveille Boudroum qui mêle ses maisons peintes à la verdure des poivriers et des palmiers, au pied des douces collines qui l’encerclent de leurs courbes harmonieuses. Une paix charmante plane sur ces lieux. Nous abordons aux dalles brûlantes d’un petit port où sommeillent quelques barques et que les petits ânes que nous montons frappent de leur dur sabot, car c’est en cavalcade que nous parcourons Boudroum. L’extrême chaleur y rendrait la marche trop fatigante et nous préférons le rude contact des selles peu rembourrées aux cailloux aigus que rencontreraient nos semelles de piétons. D’ailleurs, il y a peu de choses à voir dans Boudroum : quelques restes d’un théâtre ; çà et là, un débris de colonne couché le long de la route ; mais Boudroum cependant dégage un charme inexprimable. Nous sommes arrivés ainsi jusqu’à une ancienne citerne. Un dôme de maçonnerie la recouvre et un escalier descend dans l’ombre vers l’eau d’où s’exhale une mystérieuse fraîcheur nocturne. Dans le silence, le plus léger bruit se répercute et s’amplifie. Veniez-vous, Artémise, asseoir sur ces marches votre deuil éternel et taciturne et rêver devant cette eau, fraîche comme le souvenir et noire comme la mort ?…