Page:Régnier - Escales en Méditerranée.djvu/63

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dotaux pour aller dire sa messe ou après l’avoir dite.

J’ai dit que, cette année-là, le printemps était un printemps capricieux. D’Amalfi à Salerne de furieuses averses nous escortèrent et ce fut sous un ciel tiède et gris que nous gagnâmes Pestum. Une enceinte encore visible, trois temples en ruine, c’est tout ce qui reste de l’antique Poseidonia, dont les roseraies célèbres furent chantées par les poètes et cependant Pestum en sa solitude fiévreuse est toujours un lieu de beauté. On y pénètre par la Porte de la Sirène. Ce fut elle qui nous conduisit vers le temple paternel car c’est à Neptune qu’est dédié le plus illustre des sanctuaires de Pestum. À côté s’élève celui de Cérès. Le troisième est voué à des divinités dont on ne sait plus les noms. Tous trois sont d’une harmonie divine et d’une couleur de miel et d’ambre. Autour d’eux pousse l’acanthe. Je suis resté longtemps à les regarder. Un vol fatidique de corneilles tourbillonnait dans le ciel gris, y traçant des cercles auguraux. Puis quelques gouttes d’eau sont tombées. Étaient-ce les « larmes des choses » dont parle Virgile ? Je les ai reçues dans mes mains pieusement jointes et j’en ai fait une libation au silence, à la solitude et à la beauté. Les dieux favorables m’ont exaucé et je vais