Page:Régnier - Escales en Méditerranée.djvu/7

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sisse et fixe le spectacle que lui propose notre mémoire ? N’est-il pas un instant où s’y mélangent en parties égales ce que nos yeux ont retenu du réel et ce que notre esprit y a ajouté en se le représentant ? Mais cet instant favorable, qui nous l’indiquera ? Qui nous fera le signe du départ et ce signe sera-t-il un geste du hasard ou quelque imperceptible mouvement venu du plus secret de nous-même, remous mystérieux de l’eau du port, montée sournoise de la marée, léger souffle du vent dans la mâture ?

Je ne pourrais dire exactement d’où m’est venu l’avertissement auquel je vais obéir et qui a presque le caractère d’un ordre, mais soudain j’ai senti que j’étais prêt à laisser se réveiller toutes les images conservées au fond de moi, du temps où, par deux fois, j’ai goûté l’enchantement de vivre entre la mer et le ciel, au rythme de la vague, dans la saine pureté de l’air salin, dans la libre et magnifique oisiveté du voyage. Ce fut, en effet, par deux fois que de chères amitiés m’offrirent le plaisir de croiser en Méditerranée, la première, en 1904, sur le Velléda du duc Decazes, la seconde, en 1906, avec la comtesse de Behague, sur son Nirvana. La durée et les itinéraires de ces deux croisières furent à peu près les mêmes. L’une et l’autre eurent