Page:Régnier - Escales en Méditerranée.djvu/90

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dehors, un souffle violent, mêlé d’embruns, me heurta et m’aspergea le visage. Le yacht roulait sur une mer démontée qui s’agitait en sombres masses, blanches d’écumes. Le ciel était sans un nuage, d’un azur noir, lointainement étoilé. C’était vraiment un spectacle magnifique que cette fureur de la mer par une nuit pure.

Sur le pont arrière on avait enlevé les toiles de la tente. Une grosse lanterne japonaise oubliée et que le vent avait mise en lambeaux se démenait comme un oiseau captif au bout d’un fil. Sur la passerelle, le timonnier, les deux mains à la roue du gouvernail, surveillait la boussole dans l’habitacle. À côté de lui l’officier de quart examinait la mer d’un œil attentif. Étourdi de vent et de roulis, je suis entré me reposer dans l’abri vitré de la chambre des cartes. Des heures passèrent ainsi, l’aube était venue et le vent ne faiblissait pas. La houle éprouvait assez péniblement le bateau qui avançait difficilement, et rien n’annonçait la fin de la bourrasque. Aussi dans la matinée se décida-t-on à changer de route, de façon à ne plus recevoir le vent par le travers. Nous sommes sur un navire de plaisance, n’est-ce pas, et nous ne verrons qu’avec un retard la côte de Grèce. Dans l’après-midi, la mer s’améliora sensiblement