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Page:Régnier - Figures et Caractères, 1901.djvu/313

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FIGURES ET CARACTÈRES 313


en 1880, par exemple, un public approprié. Il y eut, en effet, durant dix années, un sommeil de la Poésie. Rarement on se désintéressa davantage de l’art des vers que pendant ce laps. Ne vous en étonnez point, c’est l’époque où triompha bruyamment et momentanément le Naturalisme.

Entendons, si vous le voulez bien, le Naturalisme comme une forme du Réalisme littéraire et nous verrons qu’il date de loin. En soi, c’est une tendance qui a sa place dans une littérature bien ordonnée. L'observation y fait un contre-poids heureux à l'imagination, mais l’utilité du réalisme est soumise à la condition qu’il sache se subordonner. Il est complémentaire et son tort, à l’époque dont je parle, fut d’avoir voulu être exclusif.

Oui, vraiment, l’École des Romanciers naturalistes de 1875 manqua de réserve. Elle prétendit étendre son pouvoir à l’Art tout entier et remplacer la Poésie même. Elle nia que, hors l'observation directe de la nature et des mœurs, il y eût rien de valable. Elle prétendit imposer à l'écrivain la servitude de l’observation et réduire le droit d’imaginer à limitation textuelle de la vie.

Les romanciers naturalistes, à ce premier tort, en joignirent un autre. Le désir de faire ressemblant les préoccupa davantage que le souci de faire