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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/104

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l’abbaye d’évolayne

jusqu’aux entrailles, mais fortifiés par l’humilité, ils restaient en paix, tout en sondant leur immense faiblesse. Ce qu’on exigeait d’eux dépassait les possibilités humaines. La grâce seule qu’ils recevraient avec l’ordination, leur conférerait la sainteté nécessaire, il leur suffisait de s’offrir avec ferveur et foi, de répondre à l’appel du Maître par un consentement plein d’amour. Sans hésitation, sans crainte, dans un même mouvement, ils se couchèrent, victimes volontaires, au pied de l’autel afin de mourir au monde. Et tandis qu’ils gisaient, formes inertes, travaillées par l’action divine, le chœur entonna les litanies des saints auxquelles l’évêque ajouta les trois invocations prescrites :

Pour que ces choisis soient bénis,
Pour que ces choisis soient bénis et sanctifiés,
Pour que ces choisis soient bénis et sanctifiés et consacrés,
Nous vous en supplions, écoutez-nous !

Alors les chants cessèrent et il se fit un grand silence. Les quatre hommes étendus s’étaient relevés et l’évêque, mitre en tête, leur imposa les mains. Puis, tous les moines, quittant leurs stades, vinrent un à un, revêtus de l’étole, accomplir le même rite. Le défilé fini, ils se groupèrent autour des jeunes diacres et, le bras étendu dans un geste auguste, ils les couvrirent de leurs mains consacrées. Ils demeurèrent ainsi très longtemps, immobiles. Nul ne voyait plus, cachés par leur foule sombre, les ordinands agenouillés. L’église vivante se fermait sur ces captifs. Ce cercle de moines autour d’eux, cette couronne de mains sur leurs têtes re-