Aller au contenu

Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
94
l’abbaye d’évolayne

mari, s’éprendre d’une autre femme, je l’aurais laissé libre. Mais puisque c’est vers vous seul aujourd’hui qu’il soupire, faudra-t-il que je sois la chaîne qui à jamais le retient loin de vous ? Parce qu’il m’a aimée d’un bref et fugitif amour, ne sachant pas que son cœur ne serait comblé que par vous, faudra-t-il qu’il ne puisse se donner comme il le désire, en épousant votre Église ? Ah ! puisque vous-même ne lui permettez pas de m’abandonner, du moins délivrez-le de moi, accordez-moi la mort… ou bien…

Une pensée soudaine venait de l’éblouir. Elle se rappela l’exemple de ces deux époux dont le père Athanase lui avait parlé et qui s’étaient séparés pour entrer au cloître.

— Pourquoi, songeait-elle, ne recevrions-nous pas aussi la même grâce ? Seigneur ne pourriez-vous m’appeler à présent ? Choisissez-moi pour que Michel ait le droit de vous choisir. Oh ! mon Dieu, vous savez que je vous aime, moins que lui cependant. Détruisez en moi son image, effacez-la pour y substituer la vôtre. Me voici devant vous, offerte. Tout ce que peut faire la volonté ou l’effort personnel, vous savez que je l’ai tenté, mais vous seul donnez la vocation, rendez-moi digne de l’obtenir.

Elle pria ainsi très longtemps, le visage caché dans ses mains, ne sachant plus ce qui se passait autour d’elle. Le sentiment croissant de sa misère lui fit éprouver le besoin d’un secours. Catholique, elle n’était point seule devant Dieu. Secrètement, elle confia sa peine aux jeunes ordinands, réclama leur intercession, certainement toute-puissante en ce jour. Elle ne doutait pas que, reliés par la