Aller au contenu

Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/109

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
97
l’abbaye d’évolayne

puyait à l’épaule de son mari. Elle n’éprouvait contre lui nulle rancune. Elle comprenait et admirait le nouvel amour qui brûlait dans ce cœur où elle avait régné. Dépossédée, elle acceptait de l’être.

— Je souffre, Michel, murmura-t-elle plaintivement… C’était si beau, trop beau !… J’ai vu se réaliser le plus grand rêve humain. Oh ! ces nouveaux prêtres… je songe à leur bonheur… L’heure qu’ils viennent de vivre !… tout est fade à côté… Il est bien vrai que la terre ne peut rien nous offrir de semblable.

Elle pouvait à peine coordonner ses phrases. La bouche entr’ouverte, elle haletait comme un malade à qui manque l’air pur.

— Comment ne pas les envier, ces jeunes gens, dit Michel avec une sourde ferveur ! Quelle récompense ils ont obtenue déjà, en échange d’un faible sacrifice. Ils ne sont plus les serviteurs de Dieu, mais ses amis ! Ses amis !… Le Tout-Puissant admet, propose cette familiarité sans fin. Il ne veut pas être le maître, il se fait l’égal de ses pauvres enfants. Toute la cérémonie, grave, un peu terrible, aboutit à cette douceur, à cet éclat soudain de l’infinie bonté.

Sans le regarder, la tête appuyée contre sa poitrine, comme pour surprendre les moindres sursauts de son cœur, Adélaïde demanda :

— Michel, si je mourais, vous vous feriez prêtre, n’est-ce pas ?

Il hésita un peu, devina le piège tendu.

— Si vous mouriez, dit-il tendrement, il n’y aurait en effet pour moi de consolation qu’en Dieu.

La réponse, bien que calculée, était signifi-