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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/112

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l’abbaye d’évolayne

— Comme il serait plus beau encore d’offrir un cœur heureux, d’aller à Dieu non pour lui demander une consolation, mais pour le consoler.

Michel fut surpris par ces paroles si hautes. Jamais depuis bien longtemps il n’avait regardé Adélaïde avec une telle tendresse. Mais exprimait-elle une opinion désintéressée, objective, ou bien le vœu le plus profond de son âme ? Elle ne le laissa pas longtemps dans le doute. Elle reprit, le fixant de ses yeux attentifs :

— Le cloître vous attire, Michel, ne le niez pas. Il n’est pas sans attraits pour moi.

Alors elle le vit soudain transfiguré. La sérénité un peu triste appliquée comme un masque sur son visage en fut arrachée par un ouragan de joie. Il palpitait et tremblait d’espérance au seuil d’un bonheur qu’il avait cru inaccessible. À la grande surprise d’Adélaïde, cette émotion dont elle comprit parfaitement le sens ne la troubla qu’à peine. Un petit serrement de cœur, et, de nouveau, elle se trouva en paix. « Il n’y a qu’à laisser la grâce agir, songea-t-elle, ses œuvres sont prodigieuses. Déjà Dieu seul compte pour moi comme pour Michel. »

— Qui sait, dit-elle avec un sourire tranquille, qui sait si nous n’avons pas été choisis pour suivre et dépasser un grand exemple, car nous étions heureux l’un par l’autre, Michel, et vous me suffisiez pleinement. D’où vient que je suis tentée, moi aussi, de renoncer à vous ?

Il se penchait sur elle, rayonnant, pâle :

— Serait-ce vrai ? balbutiait-il. Ah ! prions beaucoup, demandons les prières du père. Si vous avez entendu comme moi l’appel de Dieu, puis-