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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/113

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l’abbaye d’évolayne

sions-nous y répondre et nous montrer dignes d’un tel honneur.

Dom Athanase refusa nettement d’attacher la moindre importance aux paroles d’Adélaïde, lorsque Michel les lui répéta. Son opinion sur sa pénitente était faite. Il lui reconnaissait des qualités qu’il appréciait beaucoup. Avec elle, pas de détours ni de faux-fuyants à craindre. Elle avait une âme droite, loyale, toute simple en somme jusque dans ses revirements, mais combien fragile. Selon le monde c’était une belle âme, aux yeux du prêtre une âme débile, parce qu’entièrement livrée à la passion. Et, par bonheur, l’amour qui la dominait était permis, mais elle se fût abandonnée avec le même emportement à l’amour coupable. Loin d’avoir le respect inné du devoir, elle appelait « bien » ce vers quoi l’entraînait son cœur. Comme les poètes dont elle faisait sa société, elle avait un certain sens de l’héroïsme. Elle admirait les nobles sacrifices, aussi pouvait-elle s’exalter, rêver de grandes actions qu’elle était incapable d’accomplir. Et le moine, en souriant, blâma son ami d’avoir pris trop au sérieux les élans mystiques d’une intellectuelle violemment émue par le spectacle d’une ordination.

— Père, insistait Michel, si vous l’aviez entendue, vous ne douteriez pas. Dieu l’a frappée comme moi, quelque chose de grand se prépare.

Le religieux posa la main sur son épaule et le regarda jusqu’au fond de l’âme avec une autorité tranquille :

— Mon ami, dit-il, si Dieu a sur vous des vues exceptionnelles, Il saura bien nous les révéler en temps voulu. Mais les nouveaux convertis s’éga-