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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/123

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l’abbaye d’évolayne

Dieu, sans bien comprendre encore, quittaient tout pour le suivre. Elle assista à l’apothéose de l’entrée à Jérusalem, parmi ce peuple enthousiaste qui acclamait le fils de David et jetait sous ses pieds des palmes. Mais la même cérémonie qui commémorait la victoire du Christ exaltait aussitôt sa défaite apparente. L’Église le montrait à la fois dans son double triomphe : celui des Rameaux et celui de la Croix, comme pour signifier que son royaume n’était pas de ce monde et qu’il n’avait voulu régner que par l’abaissement, le supplice, la mort.

La grande semaine tragique commençait. L’Homme-Dieu entrait au plus profond de la douleur humaine, se chargeait de tous les péchés du monde. L’innocent se livrait à la justice irritée. Les offices se multipliaient. Dans toutes les églises, le clergé assemblé pour de longs offices reconstituait, jouait le drame de la Passion. Il empruntait la voix des prophètes pour annoncer et pleurer sans fin la mort du Juste. Et la lamentation du Christ ne cessait plus, son cri, à travers les siècles, ébranlait le monde. Il opposait aux réclamations de ses enfants, à leurs souffrances, sa réclamation pathétique et son éternelle agonie :

Ô vous tous qui passez sur le chemin, considérez et voyez s’il est une douleur semblable à ma douleur !

Ô mon peuple, que t’ai-je fait ? Je t’ai planté comme la plus belle de mes vignes et tu n’as eu pour moi qu’une amertume extrême.

Mais combien peu comprenaient le sens réel de ces appels parmi la foule, empressée pourtant