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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/125

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l’abbaye d’évolayne

éclata de toutes parts. Il eut pour Adélaïde des douceurs déchirantes. Il représentait le dernier appel de la vie auquel elle ne pût s’empêcher de répondre. Elle sortit plus souvent, éprouva le désir d’être belle, prit plaisir à comparer, avant de les choisir, les étoffes fines, soyeuses, aux vives couleurs. Elle retourna parfois le soir au concert, au cinéma. Il se fit un renouveau dans son âme, où les rêves d’amour éclorent une dernière fois en une floraison hâtive qu’éparpilla, bientôt flétrie, le vent desséchant de la solitude. Alors, il n’y eut pas dans Paris assez d’églises pour abriter sa faiblesse. Elle allait de l’une à l’autre, selon les heures qui convenaient à chacune d’entre elles. Là encore l’obsédaient des images de joie, de jeunesse, de tendresses comblées ; elle ne retrouvait qu’avec peine, après plusieurs heures d’oraison, ce recueillement que connaît seul un cœur vide. Aussi s’attardait-elle longtemps entre ces murs sévères qui défendaient sa fragilité. Et, comparant la sécurité qu’elle y goûtait avec le malaise qui la saisissait au dehors, elle croyait ne plus pouvoir supporter que la vie du cloître.

Ce fut elle qui, au début de juin, la première, demanda à son mari :

— Quand partons-nous pour Évolayne ?

Peut-être, sans se l’avouer, espérait-elle un geste de surprise, une réponse incertaine, vague. Mais si Michel ne parlait plus de leur projet, c’était seulement parce qu’il ne doutait point que sa femme ne fût toujours en plein accord avec lui sur ce point.

— Je serai libre en juillet, dit-il simplement. J’ai pris toutes mes dispositions cette année encore