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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/131

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l’abbaye d’évolayne

mêlaient et que ses bras l’enserraient d’une étreinte étroite, qui semblait éternelle. Elle crut mesurer leur commune faiblesse et, quand il s’écarta, blême, la sueur au front, elle murmura plaintivement :

— C’est trop, Michel, c’est un trop dur sacrifice !

Mais lui restait fort dans son désarroi même, demeurait tendu vers son but :

— Le Christ aussi, dit-il, hésita avant de boire un calice amer.

Il ne pensait pas que l’angoisse, sous laquelle un Dieu défaillit, pût excéder les forces de la créature. Il jugeait par lui sa compagne, alors que le glaive qui l’avait frappé, laissant une plaie profonde mais guérissable, demeurait en elle, touchait les sources mêmes de la vie :

— C’est une chose pire que la mort, gémissait-elle, échouée contre lui.

Il la rassurait, la berçait, en lui caressant les cheveux :

— Soyons fiers, ma chérie, d’avoir été choisis pour ce don total. L’essentiel est de ne point résister à l’exigence de Dieu, si terrible qu’elle nous paraisse, et de bénir notre douleur, certains qu’elle nous était nécessaire. Ne sentez-vous pas déjà combien elle nous épure en nous broyant, combien, cruelle en apparence, elle a de suaves douceurs.

Adélaïde l’avertit dans une plainte :

— Ce n’est pas la même douleur, Michel, pour vous et pour moi !

Il ne la crut qu’à demi. Il la savait en effet plus faible que lui et sa faiblesse lui semblait