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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/130

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l’abbaye d’évolayne

tanée au cloître. Réfléchissez avant de me répondre. Vous me direz dans quelques jours si vous êtes prêts à suivre les conseils qui vous sont donnés ou si vous avez quelque objection à nous présenter.

Michel et Adélaïde sortirent ensemble du parloir où le père les avait reçus après vêpres. Et comme la journée, torride, était encore loin de sa fin, ils entrèrent dans les bois. Sous un couvert de feuilles surchauffées, l’air épais, immobile, paraissait aussi lourd que celui d’un lieu fermé. Ils marchaient l’un près de l’autre à pas très lents. Adélaïde se sentait anéantie, condamnée, perdue. Elle n’osait parler à son mari, certaine qu’ils ne s’accordaient pas dans la même peine et que Michel trouvait sans doute bien longs les délais qui lui semblaient, à elle, si courts. Parvenue au croisement de deux sentiers, elle demanda machinalement :

— À droite, à gauche ?

Il ne répondit pas et, tournant un peu la tête, elle vit qu’il la regardait, non plus avec cette indifférence distraite dont elle avait tant souffert, mais comme aux plus beaux jours de leur amour. Il regardait ses yeux, sa bouche, ses mains, son corps. Il regardait son âme, sa tendresse pour lui. En même temps il considérait aussi tout cet immense trésor de souvenirs accumulés entre eux, tout ce dont elle lui avait fait présent au cours de tant d’heures heureuses et il tendit soudain les mains vers elle avec un cri :

— Ma joie, ma beauté ! Vous perdre !

Elle s’abattit contre lui en sanglotant, et il la serrait si fort qu’elle sentait l’ossature de son visage appuyé au sien, tandis que leurs larmes se