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l’abbaye d’évolayne

— Ne sentez-vous pas, reprit Michel, l’instabilité des choses terrestres. Est-ce que notre amour vous suffisait vraiment ? Étiez-vous si parfaitement heureuse ?

Parfaitement ! Ce terme convenait mal au bonheur humain que menacent mille accidents, la vieillesse, la mort. Elle secoua la tête avec un sourire désolé. Michel lui prit la main.

— Dieu seul, murmura-t-il, pour vous comme pour moi !

Elle ne se laissa point convaincre. En dehors des instants où la passion la dominait, lui rendait tout facile, elle était une femme indécise qu’effrayaient les résolutions définitives. Au moment où il fallait faire un choix si grave, dont dépendait sa vie, les affres de l’incertitude la torturèrent. En quelques heures, elle changeait du tout au tout, se donnait, se reprenait, se jetait vers Dieu ou vers le monde, jusqu’au moment où elle n’était plus qu’une bête exténuée qui saignait sur la terre, incapable d’aucun effort.

Michel, témoin de son angoisse, ne l’aidait pas à en triompher. En toute autre occasion il l’eût conseillée, dirigée, apaisée, assumant la plus grande part de responsabilité. Dans le cas présent, son devoir était de rester neutre. Il pensa tout d’abord qu’elle surmonterait vite sa défaillance, mais en la voyant chaque jour plus désemparée, il commença de souffrir. Elle le décevait amèrement, l’ayant leurré d’un espoir qu’elle ne réaliserait pas.

Possédé de Dieu, il pouvait à peine supporter l’amour qu’il inspirait et qui était sa chaîne. Lorsqu’elle le regardait fixement, les yeux pleins de larmes à la pensée qu’elle le perdrait bientôt,