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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/134

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l’abbaye d’évolayne

il se détournait d’elle avec impatience, puis, ému par son chagrin, se reprochant sa dureté, il lui revenait, cherchait à la consoler.

Mais l’amitié qui les avait unis semblait morte. Ils ne pouvaient plus s’expliquer leurs sentiments. Adélaïde n’osait point avouer à son mari combien elle l’aimait, ni lui combien il souhaitait la quitter. Et lorsqu’ils s’interrogeaient, dans un effort de confiance, leurs réponses étaient ambiguës, car la vérité les eût trop blessés.

— Michel, disait Adélaïde, est-ce que la vie du monde vous fait horreur ? Ne me trompez pas. Pourriez-vous maintenant la supporter ?

— Je suis prêt à la reprendre demain avec vous, si le cloître a cessé de vous attirer.

— Je n’ai pas dit cela, protestait-elle. Je ne sais pas encore, laissez-moi réfléchir.

Un jour pourtant, elle cria sa détresse et sa peur.

— Après tout, pourquoi tendre si haut ? Ne suffit-il pas de rester dans la voie où Dieu nous a mis ? L’état de mariage, bien qu’imparfait, n’est point coupable. On peut y faire son salut.

— Sans aucun doute, affirma-t-il. Certes il eût été beau de renoncer à tout pour Dieu, de lui offrir un bonheur dont nous n’étions point las. C’est vous qui l’avez dit un jour et je vous ai admirée. Ce sacrifice vous paraît aujourd’hui trop dur ? C’est déjà très beau de l’avoir voulu. Qu’il n’en soit plus question, ma pauvre enfant.

Elle ne pouvait supporter ce ton condescendant, à la fois si tendre et si méprisant. Elle souffrait de trahir l’espoir qu’il avait mis en elle. Elle s’éton-