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Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/137

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l’abbaye d’évolayne

Elle réfléchit longuement. Elle avait tremblé jusqu’ici de se voir acculée à la vie du cloître et voici que, rejetée vers la vie du monde, elle éprouvait un effroi plus grand encore. Elle savait que son existence, saccagée par une grande tempête mystique, ne reprendrait jamais son ancien équilibre. Elle ne connaîtrait plus qu’un bonheur relatif, médiocre, bien fade auprès de la douleur qui l’avait souvent comblée en la déchirant. Sur qui a subi la tentation de l’héroïsme toutes les tentations humaines demeurent sans force. Qui a gravi les premiers sommets du sacrifice retourne difficilement en arrière. Du haut des cimes elle s’était aventurée, Adélaïde, se penchant sur son passé, le vit décoloré :

— C’est étrange, mon père, je ne désire pas retourner à Paris, y reprendre ma vie ordinaire…

Elle vit le moine sourire et sourit à son tour avec une impression de soulagement. Elle croyait maintenant se comprendre, se sentait ferme et paisible.

Elle voulut faire une nouvelle retraite à Helmancourt où elle passa toute une semaine, partageant l’existence des moniales et suivant la règle de Saint-Benoît. Dans ces murs saturés de prière le recueillement lui fut facile. Son inquiétude se résorba en quelque sorte ainsi qu’une fumée dans l’atmosphère tranquille et salubre de ce couvent où tant d’âmes ferventes l’assistaient secrètement. Sa vie était comme suspendue, sa vie fiévreuse. Plus de luttes, d’alternatives, de combats : un vide ravissant pour son cœur fatigué. Cette clôture autour d’elle la rassurait. L’absence de Michel loin de lui sembler