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l’abbaye d’évolayne

n’y avait qu’un abîme de douleurs, une existence dévastée qu’elle ne pouvait songer à reprendre. Elle allait de l’avant, bravement, vers les régions désertiques et pures où son mari souhaitait vivre.

Elle avait paru destinée à faire une bonne religieuse. Le temps de son postulat s’était écoulé sans luttes, facilement. La fatigue l’avait tout d’abord soutenue. Passant de la vie libre et mode du monde à l’existence sans austérité excessive, mais soigneusement réglée des bénédictines, elle s’était trouvée en quelque sorte débarrassée de sa personnalité. Elle ne fut pendant des mois qu’une créature annihilée, raidie dans un effort physique qui ne lui permettait presque plus de penser. Puis, quand son corps se fut plié aux exigences de la vie monastique, l’âme était déjà fortement attachée par l’habitude à l’atmosphère du cloître. À l’hébétement du début succéda l’enthousiasme, un élan, un appétit de sacrifice dont elle s’émerveillait. La loi la plus pénible à accepter, celle de l’obéissance lui parut relativement facile : elle aimait la mère Hermengarde qui, ferme et sévère quand la nécessité l’y obligeait, mais intelligente, compréhensive, digne de tous les respects, obtint aisément sa confiance. De loin, Michel aidait puissamment sa femme. D’un même accord, les deux communautés avaient décidé d’accorder quelque compensation à la séparation des deux époux. Tant qu’ils n’auraient pas prononcé leurs vœux perpétuels, il fut convenu qu’il leur serait permis de s’écrire une fois par mois, sauf dans les temps de pénitence du carême et de l’avent. Ces lettres soutenaient Adélaïde, lui rendait périodiquement un surcroît de vie spirituelle. Elle en imitait involon-