Aller au contenu

Page:Régnier - L'abbaye d'Évolayne, 1951.djvu/148

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
136
l’abbaye d’évolayne

pour la première fois et la vérité était si affreuse qu’elle s’en délivra dans un cri.

— Oh ! ma mère, qu’ai-je fait ? J’ai été trompée, abusée et c’est la volonté d’un autre qui m’a conduite ici.

L’abbesse crut entendre formuler sa propre pensée et, si elle eût été moins maîtresse d’elle-même, elle eût trahi par un regard, un geste, une protestation trop hâtive sa consternation. Mais elle se tenait sur ses gardes, sachant que le plus grand danger qui menaçât Adélaïde était le désespoir. Elle sourit de son beau sourire rassurant et, sans répondre directement aux paroles de la moniale, comme si elle les jugeait sans portée :

— Le cloître n’est pas un lieu de repos, dit-elle posément. Il faut accepter d’y souffrir. Vous ne pouviez vous attendre à être toujours portée par la grâce. Vous n’avez pas le droit, parce qu’elle vous manque, de douter de votre vocation. C’est dans ces instants de délaissement qu’il convient de rester calme. Vous ne trouverez pas une religieuse qui n’ait connu ces aridités, ces tourments dont vous vous plaignez.

— Temporairement, peut-être, mais j’en souffre depuis près de deux ans.

— Depuis deux ans, dites-vous, depuis votre pleurésie ? s’écria l’abbesse avec un léger accent de soulagement.

Elle venait de trouver une explication à laquelle elle-même pouvait croire.

— L’âme fléchit en vous, reprit-elle, parce que le corps est affaibli, parce que votre organisme demeure ébranlé. Vous dénaturez en l’aggravant un mal dont la cause est purement physique.